L'importance de connaître son cycle menstruel - CapRol
L’importance de connaître son cycle pour les sportives et les non sportives Amélie Bertschy

 | 2024

L’importance de connaître son cycle menstruel

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Les intervenantes

  • Amélie Bertschy : physiothérapeute
  • Juliette Corgnet : physiothérapeute

Transcripton du Podcast

Juliette : Bonjour et bienvenue sur le podcast Santé Sport de CapRol. Aujourd’hui nous sommes avec Amélie. Bonjour Amélie. Est-ce que tu peux te présenter s’il te plaît ? 

Amélie : Alors je m’appelle Amélie, j’ai grandi à Fribourg. Je suis actuellement à Vevey en tant que physiothérapeute au Centre Sport Thérapie. Et en parallèle, j’ai terminé cette année mon travail de master en Sport Santé Recherche à Fribourg, qui s’intitule Cycle menstruel et athlète féminine. La thématique d’aujourd’hui. 

Juliette : Exact. C’était athlète féminine sur les sports d’endurance ou sur les sports de façon générale. 

Amélie : C’était principalement sur les sports d’endurance puisque on a choisi un pool d’athlètes qui était dans cette optique de faire des sports d’endurance, du vélo, de la course à pied, ski alpinisme. 

Qu’est-ce que le cycle menstruel ?

Juliette : Ok. Est-ce que tu pourrais déjà nous expliquer un petit peu le cycle menstruel ? 

Amélie : Oui, avec grand plaisir, parce que je pense que c’est toujours un bon rappel. Donc le cycle menstruel, c’est une série de processus physiologiques qui se passent dans un premier instant, dans une optique de grossesse, mais qui se déroulent de la ménarche (première apparition des règles) jusqu’à la ménopause. Cette série de processus physiologiques est régi par le système hormonal, donc des messagers chimiques qui se baladent dans la circulation et qui vont atteindre divers organes et donner des tâches à divers organes. 

Amélie : C’est vraiment quelque chose qui est global au niveau du système hormonal et qui se balade dans la circulation. L’atteinte est plus large, qu’uniquement dans un but de grossesse ou dans un but de procréation.

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Amélie : Le cycle menstruel, il est régi par deux hormones prédominantes qui sont l’œstrogène et la progestérone. Il commence au premier jour de règles qui dure un certain nombre de jours, qui est très individuel en fonction des personnes. 

Amélie : Et puis progressivement, il y a une montée d’œstrogènes qui composent la phase folliculaire. Donc ça c’est la première phase du cycle. Une fois que la montée d’œstrogène est arrivée à son pic, il y a l’ovulation. Donc un événement qui se passe plus ou moins à la moitié du cycle. Mais on sait que la phase folliculaire peut aller de 10 à 20 jours en fonction des individus. Donc c’est très variable. La durée de la phase folliculaire est très variable !

Juliette : 10-20 jours, c’est énorme …

Amélie : Grosse différence de dix jours. Et puis une fois que l’ovulation a eu lieu, on passe dans cette deuxième phase qui s’appelle la phase lutéale. Où là, il y a la prédominance de la progestérone, une deuxième hormone toujours en parallèle avec l’œstrogène. 

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Juliette : Donc la première phase c’est vraiment les œstrogènes. La deuxième phase c’est vraiment la progestérone. 

Amélie : Si on veut résumer, on veut réduire un petit peu ça, prédominance œstrogène et puis progestérone. Et puis bien sûr, tous ces processus où tous ces changements sont régis par des baisses ou des montées d’hormones. Et puis la descente des hormones, la baisse drastique d’hormones qui apparaît à la fin du cycle pour commencer un nouveau cycle, c’est un peu la phase lutéale tardive. Donc cette phase de symptômes qu’on connaît principalement. 

Juliette : Là tu parles des symptômes prémenstruels ou tu parles juste des symptômes de règles ? 

Les symptômes prémenstruels, menstruels, ou apparaissant durant l’ovulation

Amélie : Alors symptômes prémenstruels sont définis par cette baisse d’hormones qui apparaît à la fin du cycle et qui peut amener en fonction des individus différents symptômes. Et puis une fois que cette baisse d’hormones a eu lieu, il y a l’apparition des règles qui commencent un nouveau cycle. Et là, il pourrait y avoir des symptômes au niveau de la phase de règles, la phase de menstruation. 

Juliette : Les symptômes prémenstruels, on va les rencontrer une semaine avant le début des règles, c’est ça ? 

Amélie : Ça peut être aussi très variable. Ça dépend vraiment de l’expression hormonale. On dit qu’à partir de cinq jours avant le début des règles, on peut déjà sentir des symptômes, parfois même un petit peu plus.

Juliette : Les symptômes les plus contraignants ce sont les symptômes prémenstruels ou menstruels ? Est-ce qu’il y a des données par rapport à ça ? Les femmes sont plus gênées juste avant leurs règles ou pendant leurs règles ?

Amélie : Alors il n’y a pas encore suffisamment de données pour vraiment établir une généralité. Je pense que c’est très individuel. Il y a des personnes qui sont beaucoup plus gênées par cette phase prémenstruelle. Et il y a des personnes qui sont beaucoup plus gênées par la phase menstruelle. Donc c’est très individuel et c’est la complexité du sujet. 

Juliette : Et globalement, on peut avoir en fait l’apparition de douleurs pendant deux semaines ou trois semaines. 

Amélie : Et puis il y a aussi des douleurs qui peuvent apparaître durant l’ovulation. On pourrait résumer au fait que les passages où il y a des changements hormonaux, ce sont souvent des phases qui sont inflammatoires. Et les phases inflammatoires peuvent provoquer des douleurs ou des désagréments.

Juliette : Oui, c’est de la construction ou de la destruction. Et donc il y a quelque chose qui est en train de se passer.

Amélie : Exactement.

À partir de quel moment peut-on considérer que nos symptômes ne sont plus dans la normale ?

Juliette : Pour les femmes, c’est quoi la normale ? Je sais qu’il n’y aura pas de réponse stricte. Mais la normale, ça serait de ne pas avoir de symptômes contraignants ou douloureux ? On a compris qu’avec les hormones, de toute façon, cela va jouer sur beaucoup de choses. On suppose donc que de toute façon on va ressentir des choses. Mais on peut le ressentir vraiment négativement en tant que douleurs ou en tant que contrainte. Est-ce que dans la normalité d’un cycle qui fonctionne bien, d’un humain qui fonctionne très bien, sans problème, il ne devrait pas y avoir de contraintes ? 

Amélie : Je pense qu’on est tous individuels par rapport à cette perception des contraintes, mais aussi par rapport au système de la douleur. On sait qu’on n’est pas égal d’un individu à l’autre par rapport au système de la douleur. Mais je pense que le facteur de l’impact sur la vie quotidienne est un facteur clé. Si les symptômes impactent notre quotidien quel qu’il soit, que ce soit quelqu’un de très sportif, un athlète ou quelqu’un de sédentaire, s’il y a un impact sur la vie quotidienne, je pense que c’est à ce moment-là qu’on peut dire que c’est au-delà de la normale. 

Juliette : Oui, c’est ça, c’est une notion de qualité de vie. Si ça impacte trop, c’est qu’il y a un souci. 

Une majorité de femmes a des douleurs

Juliette : La majorité des femmes ont-elles des douleurs ? 

Amélie : Je pense que la majorité des femmes ont des douleurs. Mais on n’en parle pas beaucoup. Le cycle menstruel est un phénomène physiologique qui existe depuis longtemps, mais qu’on commence maintenant à mieux discuter. Et à ouvrir une discussion qui est plus ouverte et puis à se rendre compte qu’on a souvent mis ça de côté. On a souvent considéré que les douleurs étaient normales, considérer que c’étaient juste des passages de sa vie où il faut serrer les dents. Et puis on a tendance plutôt à ne pas en parler parce que les règles, c’est quand même un peu tabou. 

Juliette : Il faut le cacher.

Amélie : Il faut le cacher. Je pense qu’il y a encore beaucoup de choses à déconstruire. Et c’est un peu en ce moment qu’on est en train de le faire. 

Des voies pour gérer la douleur ?

Juliette : Et comment on peut gérer, cette notion de douleur. Moi, j’ai énormément de patientes qui ont des douleurs, qui ont mal ou sont terriblement gênées. C’est vrai qu’elles n’en parlent pas. Mais quels sont les moyens de soulager, hormis l’aspect médicamenteux ? 

Amélie : Je pense que l’orientation aujourd’hui qui pourrait avoir des clés, c’est vraiment par rapport à l’hygiène de vie. Il y a beaucoup de facteurs qui peuvent vraiment influencer ce climat douloureux. Et puis la nutrition. Mais comme tout sujet d’étude dans la nutrition, c’est quelque chose de compliqué parce que c’est multi factoriel. On n’arrive pas encore à dire qu’il faudrait utiliser tel ou tel aliment pour vraiment diminuer drastiquement les douleurs.

Amélie : Mais je pense qu’il y a beaucoup de clés qu’on ne connaît pas encore dans la nutrition, dans l’hygiène de vie, dans la diminution du stress, dans l’augmentation peut être de la récupération qui pourrait avoir un impact sur les douleurs. Et l’activité physique on sait que c’est le médicament de tout et qu’il a plutôt tendance à diminuer un peu les douleurs, à avoir un aspect aussi un peu d’endorphine qui pourrait aussi impacter ce genre de douleurs. 

Des voies pour gérer la douleur : la nutrition, l’hygiène de vie, la diminution du stress, la récupération, le sport.

Juliette : Après c’est difficile sur des femmes qui ont vraiment des douleurs, qu’elles décrivent un peu comme des spasmes, d’aller leur dire de faire des activités physiques. Alors marcher, … mais même marcher, elles ne sont pas confortables parce que la posture n’est pas forcément bonne. Est-ce que toi tu as des activités qui sont plus évidentes ?   

Amélie : Je pense que la marche, c’est déjà assez contraignant. Le vélo peut être un peu plus doux. Mais on parle vraiment d’activité physique légère. Donc ça pourrait simplement être du yoga, peut-être même du ying yoga. Quelque chose de vraiment doux, mais se mettre en mouvement. Peut-être des exercices respiratoires, des choses qui sont quand même en mouvement, mais pas forcément avec des impacts. Et puis on ne parle pas d’intervalles !

Juliette : Oui, à la limite des choses qui drainent et avec une mise au calme. Je pense à quelque chose, de tout bête avec les principes de gaine qui vont toujours du bas vers le haut, mais qui vont gainer toute cette partie basse abdominale. Ça pourrait être intéressant aussi sur des douleurs, cette notion de compression. À partir du moment où tu as une zone douloureuse, si tu mets une compression qui va dans le bon sens et qui permet de stabiliser, cela peut être intéressant. Pour la marche ça serait éventuellement une bonne aide. 

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Amélie : Ça pourrait. Ça fait un petit moment, mais durant mon Bachelor, j’avais des amis qui avaient travaillé sur les dysménorrhées en physiothérapie. Il y avait très peu d’études, c’était un peu leur conclusion. Et je crois que la thérapie manuelle et le taping avaient peut-être un impact sur la diminution de douleur. 

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Juliette : Oui, le taping pour faire une sorte de maintien, je pense que ça peut être des choses assez intéressantes pour l’activité physique. 

A quel moment du cycle la femme est-elle la plus performante ?

Juliette : Au niveau du cycle, à quel moment la femme est probablement la plus performante ou la plus forte ? 

Amélie : Je pense que la période la plus favorable est probablement la phase folliculaire, donc le début du cycle jusqu’à l’ovulation. On pense ça principalement par l’action hormonal. On sait que l’œstrogène a plutôt tendance à être anabolique, et donc plutôt tendance à être constructive. Et puis il a des propriétés neuro excitatrices, on est donc plutôt plus alerte, on a une meilleure production de force. 

Amélie : Après, il ne faut pas comprendre que dans la deuxième partie du cycle, on ne vaut rien. Et que des adaptations ne peuvent pas se créer. Mais la phase la plus propice aux adaptations serait la phase folliculaire. 

Juliette : Mais à la limite, est-ce que ça serait, en étant excessive, la deuxième semaine ? En rapport à l’évolution progressive des œstrogènes. 

Amélie : Oui, ça pourrait … Mais, c’est ça qui est très compliqué quand on veut vraiment comprendre le cycle menstruel ; c’est que déterminer l’ovulation, c’est quelque chose de difficile. On parle de cet événement comme un changement, mais si on demande à des femmes qui ont un cycle naturel de connaître le jour de l’ovulation, c’est difficile. Et on sait que la phase folliculaire peut varier de 10 à 20 jours, donc … 

Juliette : Oui, la variation au niveau des jours est trop grande pour dire : je suis sûr que pendant ces 5-7 jours là, je peux obtenir les meilleures adaptations possibles. On ne peut pas le déterminer. 

Amélie : En tout cas, c’est difficile et ça demande beaucoup d’énergie. 

Juliette : D’une certaine façon, on pourrait aussi dire que la femme est censée pouvoir être performante durant tout son cycle en s’adaptant. Et peut-être que telle performance sera meilleure à tel moment du cycle, mais une autre performance sera peut-être meilleure à un autre moment du cycle. 

Amélie : Moi ce que je pense surtout, c’est que le cycle menstruel qui crée un milieu de positif ou moins propice à des adaptations ou à une performance, est surtout important dans la récupération. Finalement, il y a peut-être des moments du cycle où il faudra plus de temps de récupération, plus d’attention à ça pour pouvoir performer à son maximum. Mais en tout temps, on est capable de performer à son maximum. 

En tout temps on est capable de performer à son maximum.

Juliette : Il faut toujours avoir l’équilibre entre adaptation, récupération et stimulation. 

Une phase de laxité parfois plus importante.

Juliette : Est-ce qu’il y a un moment où on est plus laxe ? Personnellement, moi je ressens vraiment une période du cycle où j’ai un genou que je ressens plus laxe. Est-ce que c’est une idée ou est-ce que c’est quelque chose qui pourrait s’expliquer d’un point de vue hormonal ? 

Amélie : Ça s’explique d’un point de vue hormonal, encore une fois par l’œstrogène qui a son pic, donc quand il y a une grande prédominance d’œstrogène, cela peut avoir des impacts sur la laxité ligamentaire. Un petit peu comme les mêmes effets qu’il y aurait pendant une grossesse, qui augmentent l’activité ligamentaire. 

Juliette : Donc on pourrait, d’un point de vue théorique, d’un point de vue pratique c’est toujours différent … mais d’un point de vue théorique, on pourrait dire que les œstrogènes pourraient favoriser l’adaptation, mais en même temps favoriser la laxité et donc un déséquilibre, un travail de stabilisation plus difficile. Il y a donc toujours ce plus et ce moins. Les œstrogènes amènent physiologiquement, quelque chose de positif, mais en même temps, être plus laxe, c’est une plus grande difficulté de contrôle, donc pour moi c’est négatif. 

Amélie : Après, c’est toujours une question de degré. Est-ce qu’on est un tout petit peu plus laxe que d’habitude, et dans ce cas probablement que cela n’a pas d’impact sur notre performance. Cela dépend aussi du sport qui est pratiqué, et de l’intensité. Je pense que ce ne sont pas des facteurs qui sont directs. C’est un climat, un milieu qui peut favoriser ou compromettre certaines choses et qu’il faut peut-être prendre en considération. Mais ce n’est jamais parce qu’il y a l’ovulation qu’on va se blesser, parce qu’on est laxe, ce ne sera jamais une conséquence aussi directe. 

Juliette : Ce qui est intéressant, c’est vraiment de se dire qu’il y a un climat hormonal, et de savoir comment il s’exprime chez soi. Et ensuite d’essayer d’adapter si nécessaire que ce soit pour l’athlète de haut niveau ou la personne lambda. En se connaissant on pourra savoir si on doit adapter son entraînement, plus s’écouter par exemple car on se sent plus laxe … C’est toujours une notion de comprendre le climat qui est propre à chaque individu. 

Apprendre à se connaître à travers son cycle menstruel pour connaître ses besoins.

Amélie : Oui, et je pense que c’est là la grosse clé, c’est d’apprendre à se connaître à travers le cycle menstruel pour connaître ses besoins. Et arriver à déterminer quels sont les facteurs qui sont liés justement à ces variations hormonales et qui nous impactent le plus. Mais cela prend du temps. C’est probablement un processus qui se fait sur toute sa vie hormonale. Et ça change aussi, entre son cycle menstruel à 18 ans ou son cycle à 37 ans, Ce ne sera probablement pas la même chose. Ce sont donc des choses qu’il faut apprendre à connaître et qu’il faut avoir un petit peu en arrière de la tête, sans en faire un goal de vie. 

Juliette : Après, la problématique c’est aussi l’hygiène de vie générale et la nutrition qui impacte sur notre corps. Donc il n’y a même pas que le cycle hormonal, … 

Amélie : Ça reste un système hormonal, donc le système endocrinien qui a des facteurs influençant et des facteurs favorisants, c’est complexe … !! 

Juliette : C’est complexe. 

Amélie : Il faut accepter que ce soit complexe.

Juliette : C’est un domaine qui nous amène à la découverte de soi pour savoir comment on fonctionne et quel impact ça a. Évidemment qu’on ne va pas découvrir ça en trois jours. Mais c’est intéressant. 

Le moment le plus efficient pour le renforcement musculaire.

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Juliette : Est-ce qu’il y a un moment du cycle où le renforcement musculaire avec charge ou sans charge est le plus efficient ? 

Amélie : Probablement encore une fois cette phase folliculaire, de part le fait que l’œstrogène serait plutôt anabolique. Moi je pense que les adaptations sont possibles dans toutes les phases du cycle. Mais si on veut vraiment travailler un facteur clé de la performance, je pense qu’il est préférable de le mettre dans la première partie du cycle, où probablement les adaptations seront meilleures. Mais on peut aussi le mettre dans n’importe quel moment du cycle. Les adaptations se feront aussi. Mais si on a un objectif et qu’on a envie d’aller chercher avec ces variations hormonales, probablement que la phase folliculaire sera le plus intéressante. 

Juliette : Oui, ce serait limitatif de se dire qu’on ne travaille que durant cette première phase, sachant que le corps s’adapte à partir du moment où il est stimulé.

Le corps s’adapte à partir du moment où il est stimulé.

Amélie : Exactement. Ça il faut vraiment le garder en tête parce qu’il y a pas mal de gens qui dans les premières idées d’entraînement en fonction du cycle hormonal qui se sont dit : mais finalement on fait quoi, on s’entraîne pendant la phase folliculaire, et puis après on ne fait rien pendant dix jours ? Non, ce n’est pas ça. Si on a envie d’aller chercher la petite bête, qu’on a envie d’aller chercher en fonction d’une idée physiologique, ce sera peut-être ce terrain propice là. Mais en tout temps, on peut créer des adaptations. 

Variation du ressenti de l’effort (RPE) durant le cycle 

Juliette : Est-ce que c’est vrai que durant toute la phase où on a le plus de progestérone, l’exercice peut être ressenti plus difficile ou plus dur ? 

Amélie : Les études qu’il y a sur le RPE (échelle utilisée pour ressenti de l’intensité de l’effort) à l’entraînement, elles ne sont pas très concluantes pour l’instant. Mais c’est possible. C’est possible aussi, toujours en fonction des symptômes ou bien du ressenti de cette phase. La progestérone a aussi parfois une action sur la rétention d’eau. On pourrait donc avoir une composition corporelle qui change à ce moment-là et donc du coup ressentir l’effort un peu plus difficile. Il y a aussi parfois des impacts sur l’effort respiratoire qui peuvent être ressentis. C’est toujours un ressenti, ce n’est pas encore prouvé scientifiquement mais ce sont des symptômes qui sont connus durant cette phase-là, donc ça peut aussi impacter notre ressenti à l’entraînement. 

Juliette : Si on sait que durant cette phase-là, le ressenti sera un petit peu plus dur, d’une certaine façon, on travaille une adaptation à l’effort d’un point de vue mental. Puisque lorsque cette phase va être finie, on pourra ressentir un deuxième élan. Et on pourra peut-être s’entraîner un peu plus dur. Ça ne veut pas dire qu’on ne s’était pas entraîné dur avant, mais mentalement on est en train de travailler l’endurance à l’effort. 

Amélie : Et ce facteur psychologique, il est clé. Parce que finalement, si on apprend à savoir que peut être dans la fin du cycle, on se sent plus lourde, qu’on a un peu de rétention d’eau, un peu de difficulté respiratoire… On sera aussi déjà un peu plus résiliente en se disant que c’est normal, que cela fait partie des choses que l’on connait et qui reviennent. Et que ça ira beaucoup mieux dans une semaine. Ça nous permet vraiment d’avoir des clés psychologiques. Au lieu de se dire, qu’est-ce qui se passe avec moi, il y a une semaine je me sentais super bien et super performant et maintenant rien ne va. 

Juliette : Essayer d’en tirer du positif, plutôt que de partir dans la déprime. En fin de compte, je suis lourde, ça ne marche pas, je ne comprends pas. Mais on le sait, hormonalement ça s’explique et à la limite, ça me permet de travailler avec cette notion de lourdeur. Parce que lorsque je vais pouvoir augmenter mon entraînement ou lorsque je fais des sports d’endurance et que j’arrive à certains kilomètres, …  à un certain temps, la lourdeur, on va la sentir. Donc là, à la limite, oui, l’effort n’est pas si énorme que ça, mais mentalement je le sens. Je pense que c’est aussi une façon de travailler mentalement. Ça peut être intéressant. 

Suivre son cycle

Juliette : Est-ce que tu as des tips ou des applications à conseiller pour suivre notre cycle ? Comment peut-on découvrir notre cycle même si cela se fait sur plusieurs années ?

Amélie : Oui, ça se fait sur plusieurs années. Je pense qu’il faut un minimum de trois mois pour commencer à comprendre, avec un suivi vraiment journalier. Il y a des milliers d’applications pour suivre son cycle. Elles sont souvent basées sur les symptômes prémenstruels, les symptômes menstruels et puis après il ne se passe plus grand chose. Donc il y a vraiment un focus sur les choses négatives qui peuvent apparaître.

Amélie : Je trouve qu’une application qui est pertinente, c’est une application qui permet de suivre des paramètres autant positifs que négatifs, d’aller vraiment sur tout le suivi du cycle. C’est-à-dire, comment je me sens aujourd’hui. Finalement, c’est se poser cette question tous les jours, comment je me sens aujourd’hui ? Cela peut être impacté par beaucoup de facteurs. Mais se poser la question tous les jours et établir un petit calendrier, ça peut être simplement crayon papier. 

Amélie : Dans les applications qui sont les plus développées, je pense qu’il y a Wild AI qui est une application qui est malheureusement très commerciale, mais qui est quand même assez pertinente sur ce côté. Il y a des choses positives, il y a des choses négatives. Je crois qu’il y a aussi Moody et puis FitRwoman qui sont, je pense, les trois que je conseillerais. Après, il y en a sûrement plein d’autres applications. Mais il est intéressant de noter les facteurs positifs, les facteurs négatifs, et puis de faire un questionnement quotidien sur son niveau d’énergie, sur son humeur, …

Juliette : Oui ça permet de faire un bilan. Tu as aussi ça dans certains sports professionnels, au niveau des athlètes, où ils ont décidé de leur faire un test qui quantifie tout ce qui est charge mentale. Cela permet de voir l’état d’humeur, le sommeil, et plein d’autres choses … Je pense que les hormones ça joue aussi là-dessus. 

Amélie : C’est le même processus, c’est du monitoring finalement. C’est du monitoring de différents facteurs, que ce soit psychologique, énergétique qu’on applique. 

Juliette : Chez la femme, nous on va rajouter cet aspect hormonal cyclique qu’on n’a pas forcément chez les hommes. 

Déterminer le moment de l’ovulation

Amélie : Et je pense que pour le suivi du cycle, ce qui est important, c’est aussi d’arriver gentiment à déterminer cet événement de l’ovulation qui permet de déterminer dans quelle phase on se situe finalement, première phase ou deuxième phase. Et ça, il y a encore peu de moyen pour vraiment la déterminer de manière peu onéreuse et rapide. Je pense que le suivi de la température corporelle reste quelque chose qui est simple.

Juliette : C’est la température corporelle que tu vas prendre en externe ou la température corporelle que tu vas prendre en intra vaginal. 

Amélie : Intra vaginal ou oral est plus pertinent. Maintenant, il y a pas mal de choses qui sont développées pour la température distale. Il y a des bagues de température corporelle, des bracelets. Et apparemment c’est presque plus valide puisqu’on a une mesure qui est continue pendant la nuit. Souvent c’est pendant la nuit. Et puis on a une mesure qui est continue sur une durée qui est assez longue, et un environnement qui est assez stable. 

Juliette : Le suivi, est plus pertinents aussi. 

Amélie : Et moins contraignant. 

Comment réagir face aux troubles du cycle ?

Juliette : Il y a énormément de femmes qui ont des troubles du cycle. Il y a l’absence du cycle qu’on verra plus tard. Mais il y a beaucoup de femmes qui ont des troubles du cycle à n’importe quel âge. Face à ça, toi, tu réagis comment ? 

Amélie : Alors les troubles du cycle, dans un premier temps, ça peut être quelque chose de tout à fait normal. Nous ne sommes pas des horloges. Il y a des variations qui peuvent arriver, un cycle plus court, un cycle plus long. Ce sont des choses qui sont tout à fait normales. Mais à partir du moment où ça se prolonge, je pense qu’il faut se tourner vers un professionnel de la santé. Dès qu’il y a une problématique qui perdure sur plusieurs mois, il faut aller chercher les clés et les réponses. 

Juliette : Il y a beaucoup de femmes qui d’un seul coup n’ont pas eu leurs règles … Qu’on ait un décalage de deux ou trois jours, mais parfois il y a un décalage de plusieurs semaines. On est dans ces cas dans des choses qui ne paraissent pas très stables. Suivre son cycle c’est important, mais lorsqu’il est déjà perturbé, c’est un peu compliqué. Tu te dirigerais directement vers un endocrinologue, un gynécologue ou vers le médecin de famille dans un premier temps ? 

Amélie : C’est difficile de répondre à cette question, parce que je pense qu’autant un médecin de famille qu’un endocrinologue, qu’un gynécologue peut avoir des réponses qui sont intéressantes. Pour autant qu’il soit intéressé et formé à la question. Donc c’est difficile de répondre à cette question. Il faut se tourner vers quelqu’un qui est perméable et qui est ouvert à cette question. Parce qu’il y a encore pas mal de médecins qui pourraient répondre, c’est tout à fait normal. 

Juliette : C’est souvent ce qui se passe. 

Amélie : C’est souvent ce qui se passe, et ça bouge maintenant. Mais il y a encore peut-être peu de répondant par rapport à ça.

Juliette : On est d’accord qu’un cycle menstruel, on va dire dans la normalité avec des petites variations, c’est synonyme de bon fonctionnement du métabolisme ?!

Amélie : C’est signe du bon fonctionnement du métabolisme, effectivement. Surtout du côté énergétique. J’espère ne pas trop m’avancer, mais tout femme a déjà expérimenté ce phénomène de se dire je suis dans une phase de stress, j’ai des examens …Il y a des personnes chez qui ça provoque les règles, elles arrivent plus tôt, parce qu’il y a un stress et tout d’un coup il se passe quelque chose. Le système hormonal et le cycle menstruel est régi par une partie du cerveau, et donc soumit à différents stress psychologiques ou autre. Ou alors le facteur inverse que lors d’une période d’examens tout d’un coup le cycle est prolongé et les règles apparaissent à partir du moment où on a fini ces examens. Donc il y a quand même des variations qui sont liées à ça et on réagit par rapport à ça. 

Juliette : Et si on connait son cycle, cela permet de savoir qu’il y a un souci, mais de savoir pourquoi. 

Amélie : Pour ces variations de cycle, il faut essayer de prendre du recul, de s’interroger sur son état de stress durant cette période, sur son état énergétique. S’interroger sur comment on vit ces derniers mois et puis arriver à établir si oui ou non il y a un déséquilibre. 

Juliette : J’aurais tendance à dire que si on fait un rapprochement avec un élément extérieur, donc principalement le stress, c’est de se dire ok, je suis en phase de stress, je ne peux pas résoudre forcément le problème. Mais l’objectif c’est de retrouver un cycle menstruel normal. Normal n’est pas le bon terme, mais régulier, ou à peu près régulier. 

Amélie : Dont l’occurrence est relativement régulière. 

Les règles et le sport

Juliette : Au niveau du sport comment gérer ses règles, comment gérer ses syndromes prémenstruels ? Alors on a vu par rapport à l’entraînement, qu’on peut toujours discuter et puis voir si on veut travailler des choses spécifiques, etc… Mais dans le sport, est-ce que c’est souvent compliqué ? 

Amélie : Ça dépend du sport. Ce ne sera pas le même challenge si on fait un sport plutôt artistique. Ce ne sera pas le même challenge si on pratique un sport d’endurance sur plusieurs heures. Un sport, dans l’eau. Il y a beaucoup de variations en fonction du sport qu’on fait et il y a beaucoup de solutions qui sont à trouver. 

Juliette : Et beaucoup de solutions au niveau nutritionnel ? Quand on a nos règles, est-ce qu’au niveau de la perte de fer, au niveau énergie, au niveau dépense calorique … Est-ce que c’est un moment qui est difficile par rapport à l’activité physique ? 

Amélie : Au niveau nutritionnel, il y a sûrement pas mal de clés. On sait que la demande en énergie est augmentée plutôt dans la phase lutéale, donc avant les règles. C’est plutôt à ce moment là où il y aurait une variation, en tout cas un apport en énergie qui devrait être plus grand. Et puis après, pendant les règles, bien sûr qu’il y a la problématique de la perte sanguine, qui peut entraîner des pertes de fer. Et qui porte la femme plus sujette à des problèmes de fer. Je sais qu’aujourd’hui il y a pas mal de choses qui sont investiguées sur les oméga3, qui ont plutôt une tendance à être anti-inflammatoire. Et comme on l’a dit, la phase menstruelle est une phase plutôt inflammatoire, les oméga3 pourraient un petit peu diminuer ce facteur inflammatoire. Ce sont les premières choses qu’on voit apparaître. Il y a sûrement plein d’autres choses qui vont apparaître dans l’avenir.

Juliette : C’est du monitoring qu’il faut faire en fonction du sport. Si tu es très fatiguée, est-ce un problème de fer, est-ce que tu te sens un peu plus lourde ? Peut-être changer l’alimentation ? Certains aliments sont plus anti-inflammatoires, certains apportent plus d’énergie … 

Amélie : Oui, il y a ces deux facteurs je pense. Il y a le facteur inflammatoire qui est une inflammation très locale au niveau du bas du ventre, qui peut se prolonger ou se propager dans le système digestif. C’est donc tout un système qui est impacté. Arriver à diminuer ou donner des nutriments qui sont anti-inflammatoires, ou en tout cas qui n’auront pas tendance à déranger le système digestif, ça peut déjà être une clé. Maintenant il ne faut pas oublier que l’on est tous différents par rapport au système digestif. Quelque chose qui provoque une inflammation chez quelqu’un ne le provoque pas toujours chez quelqu’un d’autre. C’est quelque chose que l’on peut tester soi-même, ou en tout cas avoir un intérêt ou une attention particulière.

L’adaptation du plan d’entraînement en fonction du cycle ou du ressenti de l’athlète

Juliette : Au niveau des sports collectifs, il est assez difficile de gérer toutes les athlètes qui jouent ensemble. Au niveau individuel, est-ce que toi tu adapterais ton entraînement en fonction de ton cycle ou en fonction de ton ressenti ? Ou, finalement tu as ton plan d’entrainement et tu ne te préoccupes absolument pas de ton cycle ? Comment toi tu ferais, comment tu fais, et comment un coach sportif est censé faire ? 

Amélie : Dans un premier temps, c’est vraiment ce travail individuel, d’apprendre à se connaître. D’apprendre à connaître son cycle. Parce que s’il n’y a pas cette condition-là, on ne peut pas aller sur un entraînement qui est adapté au cycle, puisque c’est individuel. Puisque la phase folliculaire peut durer de 10 à 20 jours, et la phase lutéale de 10 à 15 jours. Donc, il y a un travail de monitoring à faire.

Juliette : Le coach, même si tu lui donnes la date de tes règles, il a besoin d’avoir tes ressentis pour savoir réellement ce qu’il doit adapter. 

Amélie : Et on doit d’abord connaître son ressenti pour après pouvoir le transmettre. 

Juliette : Oui, c’est ça. 

Amélie : Donc c’est un travail qui se fait sur le long terme. Et puis il y a différentes étapes : apprendre à se connaître et apprendre à communiquer avec le coach, apprendre à communiquer son ressenti, et arriver à le transmettre. Pour moi, le cycle menstruel, ça doit être une trame de fond. Le plan d’entraînement ne doit pas se coller sur la variation hormonale. C’est comme s’il fait beau aujourd’hui ou si c’est la grande tempête, on ne va pas forcément partir pour des heures d’entraînement à ce moment-là, ça doit être un petit peu la même chose. On va essayer peut-être de caler les entraînements un peu plus difficiles dans cette première partie du cycle, si on a un objectif ou en tout cas une phase clé. Dans toute périodisation d’entraînement, il y a des moments qui sont hauts en intensité et des moments de récupération. Donc si on arrive à créer une haute intensité sur une partie, c’est génial et ça peut aussi avoir un intérêt. 

Amélie : Et puis au-delà de ça, ça peut être aussi vu à l’inverse. On a une compétition qui va probablement tomber sur un jour où on sait qu’on se sent un petit peu moins énergique à l’entraînement. Malheureusement, il va falloir essayer de le travailler et puis essayer de contrebalancer ce sentiment. Et finir par se dire, je sais que je suis capable de performer dans cette phase où je me sens moins bien. 

Juliette : C’est la même chose qu’adapter son entraînement à la charge mentale. 

Amélie : Oui, ça a des similarités.

Juliette : Même si la charge mentale ça englobe beaucoup, beaucoup d’éléments. D’une certaine façon, tu adaptes ton entraînement à comment tu te ressens par rapport à ton cycle. Si ce dernier est régulier et que tu sais dans telle période, ou telle période comment tu te sens, ça peut permettre d’adapter l’entraînement de façon un petit peu plus spécifique. Mais est-ce que tu penses qu’on devrait des fois essayer de décaler, de faire en sorte par rapport aux compétitions ou par rapport à l’entraînement que les choses s’imbriquent ? Moi je ne pense pas … Mais pour ceux qui cherchent la performance à l’extrême…

Amélie : Je pense que c’est trop difficile. Et au-delà de ça, il y a le cycle menstruel, mais ce n’est qu’une petite partie du puzzle de performance. Il y a tous les aspects de la récupération, le climat, l’environnement, son entourage… Il y a tellement de facteurs liés à la performance. Ce n’est pas l’unique, ça ne sera jamais l’unique. Et si on a envie de l’intégrer à ce puzzle, ça peut être intéressant. Mais ce n’est pas la seule clé.

Les hormones jouent sur nos humeurs

Juliette : Les hormones jouent aussi sur l’humeur. Il y a une période où au niveau humeur, on est plus désagréable, plus agressive … Comment donner le bâton pour se faire battre lol. Si tu réalises que les hormones ont un impact sur ton humeur et que lors de la période qui est censée être plus difficile d’un point de vue performance, tu te sens plus agressive, pourquoi ne pas utiliser justement cet aspect émotionnel pour travailler ton physique ? Est-ce que tu vois ce que je veux dire ? 

Amélie : Ouais, alors là, ça part dans des choses qui sont sûrement complexes. Et il faut déjà avoir identifié que c’est une phase où on est plus agressive. Et ça, ce n’est pas facile, parce que souvent, lorsqu’on est dans un brouillard mental et qu’on range un peu son frein, on ne va pas forcément tout de suite admettre que c’est peut-être hormonal. Et on n’aura jamais la confirmation à 100 % que c’est lié à ça. Donc c’est compliqué. 

Juliette : Pour moi c’est toujours cette notion d’essayer de jouer autant sur le physique que sur le psychologique pour essayer de performer. Quand tu es fatiguée, si tu as « la gagne », si ça se trouve tu vas mieux performer.

Juliette : La conclusion, c’est vraiment de dire que le cycle menstruel, il est censé être régulier. Que s’il ne l’est pas, il faut qu’il le devienne. Qu’on peut jouer sur plein de choses autour, que ce soit la nutrition, l’hygiène de vie. Et qu’il faut s’en préoccuper pour se connaître. Si tu connais ton cycle menstruel, cela te permet aussi d’écouter ton corps. 

Le syndrome du RED-S (déficit énergétique relatif dans le sport) et irrégularité du cycle

Juliette : Est-ce que toi tu as en tête des mythes qu’on entend encore ?

Amélie : Je pense que le premier mythe à déconstruire c’est celui de se dire que si je n’ai plus mes règles, c’est que je m’entraîne suffisamment. Je pense que ça, c’est une idée reçue qui n’est pas formulée de cette manière, mais qui est un petit peu quelque part dans la tête de beaucoup d’athlètes.

La Clinique du coureur

Juliette : Là on va parler du RED-S. Est-ce que tu peux expliquer ce que c’est, et l’importance que ça a ? 

Amélie : Le RED ou RED-S, c’est Relative Energy Deficiency, in Sport qui peut être ajouté. Donc c’est un déficit relatif en énergie. Donc c’est un déséquilibre entre l’énergie qui est apportée et l’énergie qui est dépensée. Et dès le moment où il y a un déficit entre l’énergie qui est apportée et l’énergie qui est dépensée, qui est prolongée, ça peut avoir des multiples impacts sur notre physiologie. Un des impacts est la disparition des règles, mais c’est un des impacts. Il y a vraiment une multiple atteinte. Je ne sais pas combien il y en a, mais il y en a vraiment énormément qui peuvent survenir comme symptômes d’un déficit prolongé en énergie. Et puis c’est vraiment global. C’est l’énergie qui est apportée, mais ce n’est pas uniquement la nutrition, il y a aussi plein d’autres facteurs énergétiques, l’énergie mentale ou des choses comme ça qui sont dans cette grosse partie d’énergie apportée et l’énergie dépensée à l’entraînement ou autrement. 

Juliette : Il a été très mis en avant justement par ce principal symptôme de perte de règles. Mais en fait, il englobe beaucoup d’autres choses. C’est quelque chose de plus général. Mais globalement, on est proche du surentraînement, on se dirige vers le surentraînement ?

Amélie : Le surentraînement est un déficit en énergie. Mais ce qui est important je pense aussi est de remettre un peu en lumière le fait que ce déséquilibre ou ces variations, ces irrégularités du cycle, ce n’est pas non plus … je sais pas comment dire ça. Parce qu’il ne faut pas non plus que les gens pensent que si tu as des règles qui sont irrégulières depuis toujours, … je ne veux pas créer un climat anxiogène. 

Juliette : Pour moi, on est des êtres vivants, et on fonctionne de façon cyclique. Donc à partir du moment où ton fonctionnement cyclique il est rodé, et bien ça roule. Maintenant, ce n’est pas parce que tu ne vas pas te réveiller tous les jours à la même heure que tu dysfonctionnes vraiment énormément. Il ne faut pas être dans les extrêmes. Il y a l’aspect être cyclique, vraiment théorique, et puis il y a l’aspect pratique. C’est vrai qu’il y a des femmes qui ont leur règle régulièrement, mais de façon irrégulière. Mais ça se décale de deux ou trois jours. Ou peut-être qu’il y a un mois dans l’année où ça ne va pas jouer. Mais comme on l’a dit tout à l’heure, si tu as une énorme poussée de stress que tu viens de te faire virer de ton boulot … Au final, les choses ont tellement d’impact d’un point de vue hormonal et d’un point de vue métabolique et physiologique que ça peut s’expliquer. 

Amélie : Ouais, c’est ça. 

Juliette : Mais moi j’aurais toujours tendance à dire qu’on devrait essayer de tendre vers quelque chose de cyclique. C’est comme le principe de l’équilibre parfait n’existe pas, mais on essaye de vivre autour de cet équilibre parfait pour ne pas partir un petit peu en cacahuète. 

Amélie : Je trouve que c’est quelque chose de très anxiogène justement. Dans mon travail de master, on a essayé de déterminer l’ovulation. C’était un point ultra anxiogène parce qu’on a utilisé des tests d’ovulation bons marché et qui n’ont pas forcément très bien fonctionné. Les participantes faisaient le test à la maison, je ne sais pas exactement comment elles les ont réalisés. Est-ce qu’elles ont bien suivi le protocole ? Peu ont marché. Et ça a créé un climat anxiogène. C’est un sujet sensible et très émotionnel, donc c’est difficile. Il faut faire attention à ne pas créer trop d’anxiété.

Juliette : Dans toutes ces choses-là, tu as toujours un effet placebo et un effet nocébo dans les études. Après quand tu t’attardes sur cette notion d’ovulation, de possible grossesse, d’importance du cycle qui est censée représenter la femme, pour nous, ça a quand même toute une signification. Donc on rentre dans quelque chose d’émotionnelle

Juliette : Donc globalement, dans le sport, quand les jeunes n’ont plus leurs règles. La première réaction, la première chose qu’on doit surveiller c’est quoi ? 

Amélie : Après, ce qu’il faut savoir, c’est qu’une disparition des règles liées à un déficit en énergie ne se fait pas du jour au lendemain. C’est un processus qui apparaît gentiment. C’est d’abord, si je ne me trompe pas, une diminution de la phase lutéale. Il y a d’abord des cycles qui ont tendance à se raccourcir sur plusieurs mois, et puis progressivement, qui ont tendance tout d’un coup à s’espacer. C’est donc un processus qui arrive de manière insidieuse et relativement sur le long terme. Ce n’est pas d’un jour à l’autre. C’est quelque chose à surveiller sur une durée relativement longue. 

Amélie : La plus grosse question par rapport à la nutrition serait, est-ce que l’athlète a un apport en énergie qui est suffisamment haut ? Est-ce qu’il y a un apport en énergie avant l’entraînement et après l’entraînement, qui peut subvenir à ses besoins ? Ça, c’est vraiment la plus grosse cible. 

Juliette : Mais tu penses que ça serait surtout dirigé vers les athlètes. Si vous avez de la chance et que votre cycle est régulier, surveillez votre cycle et lors de l’apparition d’une dysfonction cela vous servira d’indicateur. Vous pourrez alors, déjà, vous poser la question au niveau de la nutrition. Et vérifier que vos apports sont corrects pour éviter de dévier vers un syndrome du RED. Ou, est-ce qu’on peut aussi avoir ça chez des personnes qui ne sont pas des athlètes mais qui font quand même un minimum d’heures de sport dans la semaine? 

Amélie : Comme le dit l’intitulé de RED, c’est Relative Energy Deficiency et puis après il y a in Sport, ça peut être appliqué à la population en général. Donc le déficit énergétique touche autant des gens qui ne sont pas sportifs d’élite que des sportifs d’élite. C’est quelque chose qui est global. Et puis ce point du cycle menstruel comme indicateur de santé, il est important, c’est quelque chose à surveiller ou en tout cas à avoir en tête comme un indicateur de santé. 

Juliette : Donc c’est intéressant, il faut vraiment chercher à découvrir notre cycle menstruel. Si on a de la chance et qu’il est régulier, il est indicateur de santé. Et si ça commence un petit peu à devenir irrégulier, il y a des questions à se poser sur le sommeil, sur la qualité de vie, sur le stress, sur la nutrition … 

Amélie :  Oui, et puis après, il y a probablement aussi d’autres pathologies qui pourraient être liées au cycle, et qui pourraient générer des dysfonctions ou des irrégularités. Je pense que c’est important de garder en tête justement que régularité ne veut pas forcément dire qu’on a un cycle qui dure toujours 30, 31 jours systématiquement. Il y a des variations qui se créent et qui sont normales. Mais c’est plutôt l’occurrence du cycle menstruel qui devrait être régulière, ou en tout cas la fréquence qui devrait être plus ou moins régulière. 

Juliette : C’est un message quelque part qu’on n’a pas encore. Puisque les règles on n’en parle pas, vous n’avez pu vos règles, ce n’est pas grave. Revenez dans trois mois et puis on verra si elles sont réapparues. Enfin moi personnellement, c’est ce que j’entends au cabinet. Vous avez hyper mal, ce n’est pas grave, c’est un cycle on verra la fois prochaine. J’ai le sentiment par rapport à ça, qu’on est au niveau médical, toujours en train de reporter pour après. Mais regardez, c’est peut-être passager… On dédramatise alors qu’on incite pas la patiente à écouter ses symptômes, à les noter pour pouvoir à la limite y faire référence et puis voir si toutes ces informations nous dirigent vers une direction ou une autre. 

Amélie : Je pense que c’est juste de ne pas alarmer s’il y a une dysfonction du cycle ou s’il y a une petite irrégularité qui peut apparaître. Mais c’est un facteur à prendre en considération. Et un indice pour dire il faudrait peut-être surveiller le global et pas seulement le cycle. Il faudrait peut-être aller chercher un petit peu plus loin, questionner peut être un peu plus loin et voir la santé globale de l’athlète ou de la personne. 

Juliette : C’est un indicateur parmi tant d’autres. On doit le prendre en considération sans le dramatiser.

Amélie : Je pense que dans le monde médical, c’est encore difficile de s’avancer sur les impacts de ces irrégularités. Parce qu’il y a encore peu de données sur le cycle menstruel, que ce soit du côté athlète-sport, ou que ce soit globalement du point de vue de santé. C’est encore un domaine qui doit mûrir, pour qu’on puisse donner des réponses claires. 

Juliette : Il y a encore plein d’études à faire, qui vont être très compliquées puisque c’est vraiment intra individuel. Pour faire des études sur ce sujet, je pense que ce n’est vraiment pas facile. 

Juliette : Après, d’un point de vue médical, je suis assez pour mettre un peu le poing sur la table en disant que le cycle menstruel, il est important. On l’a vu ces dernières années. La femme subit d’un seul coup un trouble du cycle, elle saigne dix fois plus fort qu’avant, mais on dit que ce n’est pas grave, que ça passera ! Elle n’a plus ses règles depuis 3 mois, ce n’est pas grave, ça passera, ça reviendra. Au niveau médical, de ce que je ressens par rapport aux patientes du cabinet, c’est qu’on dédramatise tout. C’est vrai qu’il ne faut pas inquiéter les patientes parce que notre corps réagit. On a le droit aussi de dysfonctionner de temps en temps. Mais en même temps, ça reste pour moi un énorme indicateur d’un fonctionnement à peu près normal, surtout quand il l’a été auparavant. Personnellement j’ai toujours un petit peu de difficulté à entendre le langage médical, rassurant certes, mais il me donne l’impression d’essayer de toujours pallier les symptômes sans prendre du recul. Il parait y avoir très peu d’interrogatoire, non culpabilisant, de la patiente, sur tout ce qui peut avoir un impact sur ce type de déclenchement, qui ne correspond pas forcément à des pathologies graves mais des prises alimentaires ou des stress ou des chocs émotionnels, … il y a beaucoup de choses qui peuvent rentrer en ligne de compte. 

Amélie : Oui, c’est toujours la même question de trouver un réseau qui est perméable à cette question, qui commence à bien émerger. Je trouve que dans la région, il y a quand même pas mal de réseaux qui se créent autour du sport féminin, qui ont une perméabilité, et j’espère que ça se développera encore mieux. 

Juliette : C’est le début. Ça ne va pas être simple, mais il faut garder une ouverture d’esprit. C’est ce qu’on demande. 

Juliette : Est-ce qu’il y a un autre message que tu aimerais faire passer ? Est-ce qu’il y a un sujet qu’on n’a pas abordé que tu aimerais aborder ou est-ce que c’est tout bon pour toi ? 

Amélie : Et je crois qu’on a déjà pas mal fait le tour de la question. En tout cas, il me semble que je n’ai rien oublié. Je mettrais vraiment encore une fois un petit peu la lumière sur ce côté du suivi du cycle, du monitoring qui peut être très intéressant pour apprendre à se connaître, pour apprendre à avoir une vision de soi avec un petit peu de recul et qui pour moi est un outil très intéressant dans sa vie en général et en tant qu’athlète.

Des livres a conseiller ?

Homme lisant un livre en buvant un thé, représentant la catégorie livres dans le e-shop de CapRol

Juliette : Est-ce que tu as des livres à recommander ? 

Amélie : Il y en a pas mal en anglais. Je crois qu’il y en a un qui s’appelle de the female factor qui est très chouette parce qu’il prend en compte toute la vie hormonale d’une femme, que ce soit de la ménarche, donc l’apparition des règles jusqu’à la ménopause. Et dont les bases scientifiques sont vraiment très intéressantes. Elles sont très fondées, elles ne sont pas basées sur un ressenti de quelqu’un, donc c’est assez fiable. Je recommanderais celui-ci. Je crois qu’il n’existe qu’en anglais pour l’instant. 

Juliette : Je pense qu’il y a encore beaucoup de publications qu’en anglais dans ce domaine. 

Amélie : Oui. Il y a pas mal de comptes Instagram qui sont intéressants. Je sais plus si c’est la même autrice, mais il y a @periododtheperiod qui aussi essaye de régulièrement faire un peu un update de ce qui se dit dans le monde scientifique. Donc pour encore une fois avoir des bases relativement solides. 

Juliette : Je pense que sur Instagram, il y a de plus en plus de comptes qui commencent à fleurir. C’est bien. Merci beaucoup. 

Amélie : Merci à toi. 

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Amélie Bertschy

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